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Soldats français creusant et dégageant le terrain gagné aux allemands, Chemin des Dames (1917)
Chemin des Dames, on organise le terrain conquis (1917)
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Témoignages allemands du 16 avril 1917

Extraits de rapports conservés aux archives du Land de Bade-Wurtemberg

Quelques jours après l’offensive du 16 avril 1917, l’état-major de la 7e armée allemande demande aux chefs d’unités en position sur le front lors de l’attaque, un rapport détaillé de l’expérience de la bataille. Les textes inédits contenus dans ces rapports conservés aux Archives du Land de Bade-Wurtemberg livrent une vision des soldats ayant fait face à l’offensive du Chemin des Dames.

L’expérience de la bataille

Les archives allemandes conservent de nombreux rapports et études rédigés par les unités présentes sur le Chemin des Dames le 16 avril 1917 . Destinés au haut-commandement de la 7e armée, ces rapports font état de l’expérience des combats par les régiments allemands présents le 16 avril et les jours suivants. 
Concernant la surprise de l’attaque française, les rapports mentionnent le fait que les régiments étaient en état d’alerte permanent mais qu’ils ne connaissaient pas le jour précis de l’attaque. Un officier du RIR 92 rapporte ainsi : « Il n’était pas connu de la part de la troupe que l’attaque devait avoir lieu le 16 avril. » Toujours selon lui : « L’état d’alerte a été sans effet ce jour-là à cause de sa permanence depuis plusieurs jours ». Les multiples alertes qui avaient lieu quasiment chaque jour depuis la fin mars et au début d’avril avait fini par lasser les soldats allemands. En revanche, les sources allemandes confirment unanimement l’état de combativité des hommes : « Le jour de l’attaque, le bataillon avait été en position depuis 21 jours. Normalement, il aurait dû être relevé après 18 jours, mais il restait en position à la demande du commandement et même des troupes. A mon avis, c’est grâce à ce maintien en position que l’attaque ennemie s’est effondrée à cet endroit » précise l’officier du RIR 92 en poste à la Caverne du Dragon. 

Les rapports sont très critiques vis à vis de l’aviation allemande. Un officier note que dans le secteur d’Hurtebise, l’aviation allemande n’était pas au rendez-vous : « Au matin de l’offensive, il manquait tout soutien de la part de notre artillerie. Nos avions de chasse n’ont pas réussi à nous garder à distance des avions ennemis, contrairement à Verdun et à la Somme, il n’y a eu que peu d’attaques et elles étaient peu vigoureuses de la part de nos avions de chasse, la plupart du temps ils se sont limités à ne donner que quelques tirs à des distances beaucoup trop longues, avant de faire demi-tour en évitant la bataille. Nos canons anti-aériens ont complètement échoués. Quelques avions ennemis ont tournés au-dessus de nos positions, sans recevoir de tirs de nos canons anti-aériens placés trop en arrière du front. Nos mitrailleuses anti-aériennes ont en revanche tirés 4000 coups par jour, mais elles recevaient en échange des tirs d’artillerie français ».

Dans la Caverne du Dragon le 16 avril 1917

L’occupation du sous-sol a permis en grande partie aux Allemands de tenir leurs positions et d’acheminer rapidement hommes et munitions en première ligne le 16 avril 1917. Au-dessus de la Caverne du Dragon, les boyaux d’accès demeurent utilisés à cause des tirs d’artillerie français : « L’entretien des nombreuses tranchées de connexion était difficile. Elles n’ont été guère utilisées parce que toute la circulation vers l’avant passaient par la carrière et le tunnel 6 », écrit un officier. La Creute Höhle comme la nomme encore les hommes du RIR 92, a donc joué un rôle majeur  lors de l’offensive. Voici la description de l’officier commandant le bataillon qui occupe alors le site : « La caverne avait été beaucoup négligée par les troupes antérieures. Tout étayage faisait défaut. Il n'a été réalisé que sous les plus difficiles conditions durant les combats d’artillerie. Des centaines de troncs d’arbre ont été abattus sous le feu de l’artillerie et descendus dans la caverne. On y a également construit des portes anti-gaz et des murs coupe-feu. Toutefois, on n’a pas réussi à empêcher quelques effondrements. Les cuisines, les latrines et les postes de commandement se trouvaient alors en dehors de la carrière dans des abris sécurisés. Durant la bataille, tout ceci a dû être transféré dans les carrières souterraines ». 

 L’enthousiasme au combat prit alors une ampleur telle que je ne l’avais pas encore vécue durant toute la guerre 

L’officier rapporte les heures d’angoisse et le bruit à l’intérieur des galeries : « Durant les journées précédant l’attaque, le bataillon avait dû subir le pire. Des parties de la caverne se sont effondrées, tous les coins étaient en vibration permanente. Ainsi, l’attaque de l’infanterie ennemie a été vécue comme une délivrance par les troupes, mais une libération d’un poids extrêmement lourd. L’enthousiasme au combat prit alors une ampleur telle que je ne l’avais pas encore vécue durant toute la guerre ». 

À la grenade et à la mitrailleuse

La grande préparation au combat des unités est un des éléments souvent répétés par les officiers pour expliquer l’opposition soutenue des régiments allemands. Les rapports mentionnent clairement des entraînements répétés sur les positions en préparation de l’attaque française. Ils précisent aussi l’utilisation de la tactique des Stosstruppen le 16 avril et les jours suivants, confirmant la mise en œuvre d’une défense élastique avec des ripostes par petits groupes bien entrainés. « Au moment où l’attaque ennemie éclata, la défense fut effectuée par des contre-attaques en groupe avec les mitrailleuses » rapporte un officier du RIR 72.  Un officier du 4e régiment de fusiliers de la Garde note également que l’ensemble du régiment fut utilisé « à la manière de Stosstrupp ». A proximité de la Caverne du Dragon, l’officier du RIR 92 rapporte que : « pendant des heures nos mitrailleuses ont crépités. Les noirs qui avaient réussi à passer les lignes furent tués ensuite en combat rapproché […]. Lors du premier assaut ennemi, nous avons fait l’expérience que l’infanterie n’a pas assez utilisée son arme principale : le fusil. La plupart ont attendu jusqu’à ce que l’ennemi se soit approché à distance d’un jet de grenade pour les repousser. A 7 heures du matin, 2000 grenades à manche ont été consommées. Seulement une fois les grenades épuisées, les hommes ont utilisé leur fusil. Quelques-uns ont tirés 700 balles en un seul jour. La compagnie dans la Caverne de La Creute a utilisé plus de 15 000 balles ce jour-là ».

 A Verdun nous avons eu la bataille de l’artillerie, ici dans l’Aisne c’est la bataille des mitrailleuses

Un officier du 4e régiment de fusiliers de la Garde, situé sur l’aile droite du RIR 92, dans le secteur de Ailles, écrit dans son rapport que le meilleur résumé de la bataille lui a été donné ce jour-là par un prisonnier français : « A Verdun nous avons eu la bataille de l’artillerie, ici dans l’Aisne c’est la bataille des mitrailleuses ». Un officier note qu’il avait placé un armurier dans la creute des Saxons, et que celui-ci pu réparer une dizaine de mitrailleuses défectueuses ou enrayées le 16 avril, permettant ainsi un feu continu de la part des servants en position dans les tranchées. Tous les rapports des officiers allemands en poste le 16 avril sur le Chemin des Dames sont unanimes sur le rôle essentiel qu’ont joué les mitrailleuses allemandes 08/15 pour arrêter les troupes françaises. Le même officier termine son rapport avec ce constat : « La percée de l’ennemi aurait certainement réussi s’ils avaient employé une division fraîche pour la suite de l’exécution de l’attaque ». Un aveu tiré d’un document d’archives qui montre la fragilité du dispositif allemand, mais surtout la nécessité de prendre en compte les sources allemandes dans une étude critique et comparée de la bataille. 

Franck Viltart

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