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Fouilles archéologiques du cimetière militaire provisoire français du parc du château de Soupir (Aisne).Photographie du plan du cimetière.
Photographie du plan du cimetière

Le cimetière militaire provisoire français du parc du château de Soupir

En 2004, lors de fouilles archéologiques dans la carrière de granulats de Soupir, des vestiges d’un ancien cimetière militaire de la Grande Guerre ont été découverts. Rapidement, il a été constaté que les corps avaient été exhumés après le conflit. Néanmoins, la fouille des fosses sépulcrales a apporté des informations intéressantes sur les modes d’inhumation et sur les techniques d’exhumation d’après guerre. Parallèlement, des recherches en archives ont été menées afin de comparer les sources archéologiques et documentaires. Le service des sépultures de guerre de l’Aisne possède un fond important pour la commune de Soupir et nous avons pu y retrouver le plan et les registres d’inhumation correspondant.

Le plan du cimetière et le registre

INRAP - Direction régionale Hauts-de-France (départements : Aisne, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Somme)
32 avenue de l'Étoile-du-Sud
80440 Glisy

03 22 33 50 30

Le cimetière est situé dans la partie sud-est du grand parc du château de Soupir. Le plan a été terminé et certifié conforme par un officier d’état civil en date du 20 septembre 1917 (fig. 1). L’emplacement des tombes est dessiné à l’encre noire et tracé à la règle. Au sein de chaque sépulture est inscrit, toujours à l’encre, le nom de famille, le grade en abrégé pour les officiers et sous-officiers, le numéro de régiment et la compagnie.

Le registre faisant l’inventaire des sépultures comporte plusieurs colonnes correspondant aux informations suivantes : le nom et le prénom, le grade, le corps d’armée, la classe, le numéro de matricule, le bureau de recrutement, la date de décès, le lieu d’inhumation, le numéro de tombe. Ces données sont précieuses pour comprendre le mode de fonctionnement du cimetière, sa chronologie et ses relations avec les événements militaires du secteur.

La gestion du cimetière

La réalisation de ce cimetière se divise en deux grandes périodes, en relation avec les opérations militaires du secteur (fig. 2). D’août 1915 à juillet 1916, période relativement calme, nous avons 84 sépultures. Puis l’activité du cimetière s’interrompt jusqu’au premier trimestre de 1917, où 7 soldats sont alors inhumés. Puis, c’est l’offensive du Chemin des Dames à partir du 16 avril 1917, avec 264 inhumations en 4 mois. Les rangées n° 1 et n° 2 se distinguent des autres par des tombes plus larges et plus espacées. Nous avions pensé dans un premier temps qu’il puisse s’agir d’un lieu réservé à des soldats hiérarchiquement plus élevés. L’étude des dates de décès indique qu’il s’agit en fait des deux  premières rangées du cimetière, réalisées en 1915, alors que ce secteur du front était relativement calme. La proportion d’officier n’y est pas supérieure par rapport aux autres rangées (fig. 3). Mais dans le détail, en croisant les données relatives aux dates, aux grades et aux unités de combat, on décèle une volonté de mettre en valeur un groupe particulier.  Ainsi, l’extrémité orientale de la 1ère rangée n’a pas été complètement occupée en 1915. L’extension du cimetière s’est réalisée en implantant de nouvelles rangées vers le nord (rangées n° 3 et n° 4). L’extrémité orientale de cette 1ere rangée est occupée par des sépultures du 1er semestre 1917, où reposent des soldats d’unités particulières, des chasseurs à pied des 19e, 29e et 61e bataillons (BCP). En affinant un peu plus l’analyse, on peut constater que parmi eux, on trouve deux officiers du 61e BCP, décédés 4 juin 1917. Il y a donc là un traitement particulier qui tend à refléter dans la mort des relations hiérarchiques.

La fouille des sépultures

Dans le temps imparti à la fouille, il n’a pas été possible d’intervenir sur toutes les sépultures. Seules quarante-trois d’entre elles ont été examinées finement afin de savoir ce qu’il pouvait rester dans les tombes à la suite des exhumations d’après-guerre. Aucun corps entier n’a été retrouvé, mais la présence de nombreux ossements épars pose des questions sur les méthodes de transfert des défunts (fig. 4 et 5). Les deux premières rangées du cimetière se trouvant dans un secteur assez humide, le bois des cercueils est bien conservé et plusieurs ont été retrouvés en place (fig. 6). Cette découverte implique que l’exhumation a été réalisée en procédant à l’ouverture du couvercle, au prélèvement du corps, et à son dépôt dans un nouveau cercueil en vue de la réinhumation. Outre les ossements, de nombreux objets personnels ainsi que des restes d’équipement et d’uniforme ont été découverts.

Les ossements

Les os humains retrouvés ici ne sont pas représentatifs de ceux constituant le squelette humain. Certains sont plus présents que d’autres, ce qui s’explique par le fait que les corps étaient enterrés habillés. Les os de la main et du poignet apparaissent dans 81 % des cas, ce qui n’est pas une surprise, d’autant que les articulations de ces membres se décomposent rapidement. A contrario, les os du pied et de la cheville sont rares (9 %), les brodequins et les bandes molletières en assurant la cohésion. Les fragments de crâne apparaissent dans presque 50 % des cas. Il ressort de ces éléments que, lors du prélèvement du corps, les membres qui ne sont pas fermement maintenus en cohésion par l’habillement ont tendance à rester au fond de la fosse et que les exhumateurs n’ont pas pris la peine de les ramasser.

Le mobilier

Le mobilier trouvé lors de la fouille de ces sépultures peut être divisé en trois groupes : les éléments d’uniformes, les objets personnels et les éléments liés à l’identité du défunt. L’uniforme et l’équipement du soldat comportent de nombreux éléments métalliques, aussi ont été trouvés de nombreux boutons de capote et de vareuses, des boucles de ceinture, des œillets de toile de tente, des fragments de cartouchière et de masque à gaz (fig. 7).
D’un point de vue réglementaire, les objets personnels devaient être récupérés sur les morts avant inhumation, dans le but d’une restitution aux familles. On sait que dans les faits, cela n’a pas toujours été le cas, pour de multiples raisons. La fouille a donc livré une petite quantité de ces objets personnels, dont un porte-monnaie contenant des pièces et une médaille votive, un chapelet (fig. 8), une bague, un médaillon, une montre à gousset (fig. 9).
Trois tombes ont livré des plaques d’un modèle particulier. En métal, de forme ovale, elles mesurent 10 cm de long sur 5 cm de large. Un trou est percé à chaque extrémité et un numéro est découpé à l’emporte pièce (fig. 10). Dans le cas de la sépulture 10, ce type de plaque est accroché au moyen d’un fil métallique à un avant bras droit. Une directive de 1915 recommande de fixer à tous les corps une plaque de plomb portant un numéro reproduit sur un carnet afin de permettre l’identification des corps en cas d’exhumation ultérieure. Nous aurions donc là un témoignage archéologique de l’application d’une directive visant à gérer au mieux cette question de l’individualisation des tués de la guerre.

Responsable d’opération : Bénédicte Hénon
Responsable de secteur : Guy Flucher
Aménageur : Holcim
Nature des vestiges : aménagements militaires

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